Former …. ou ne pas former ?
L’année 2015 marque un tournant dans le petit monde de la formation. La réforme est entrée en vigueur au 1er janvier, et on peut dire, au minimum, qu’elle fait presque l’unanimité contre elle. Il faut dire qu’il y a de quoi : les salariés, les employeurs, les demandeurs d’emploi, les organismes de formation et les OPCA ne s’y retrouvent pas.
Tour d’horizon des effets concrets de la réforme
- Le CPF qui remplace le DIF est une usine à gaz inopérante, avec ses listes et ses pseudo-certifications (1.000 dossiers CPF à la mi avril depuis janvier contre 50.000 dossiers DIF / mois).
- La baisse drastique du financement obligatoire du plan de formation conduit certaines entreprises à ne plus former leurs équipes.
- fin du bilan de compétence, qui était pourtant un bel outil d’accompagnement.
- La collecte des OPCA est donc en toute logique impactée (donc leurs budgets de fonctionnement).
- Les OPCA peuvent financer moins de formation et ont moins de marge de manœuvre pour la mutualisation des fonds.
- 50 000 Organismes de Formation (150 000 emplois) trinquent directement avec des baisses d’activité de l’ordre de 30% depuis le début de l’année, et une hécatombe est prévisible.
On peut même se demander à qui profite le crime cette réforme ? Les écoles (formation initiale) de toute sortes qui étaient déjà engagées dans des process de reconnaissance administrative et ont déjà fait valider leurs cursus dans les fameuses listes CPF ? Les organismes parapublics tels que Greta et AFPA, pour que l’Etat ne doivent plus financer leurs pertes ?
Ecoutez ces 3 minutes du porte parole des Hiboux sur le site de France Info, c’est assez instructif.
Et maintenant que faisons nous ?
On peut polémiquer longtemps sur la mise en oeuvre de cette réforme contestée, il n’empêche qu’il va falloir fonctionner avec, le temps que le gouvernement ajuste éventuellement le tir, comme suite à la réforme « Duflot » dans le bâtiment, qui avait largement mis en berne le secteur.
La question qui demeure pour chaque entreprise est de définir l’importance de la formation dans sa stratégie globale et le budget qu’elle décide d’y allouer, vue que l’obligation de financement de son plan de formation s’est réduite considérablement.
Que se passe t’il si une entreprise ne forme pas ses équipes ?
Tout dépend de son métier et de son environnement !
Un métier technologiquement peu évolutif, dans un marché peu concurrentiel, avec un environnement législatif stable n’a pas forcément de besoins de formation. Le recrutement de qualité peut suffire. Mais connaissez vous beaucoup d’entreprises dans ce cas ?? j’ai du mal à en trouver là tout de suite …
(In)adaptation technologique
Ce qui semble établi pour la plupart des entreprises, par contre, c’est que le changement est devenu la norme. Tout change, tout le temps, de plus en plus vite. Le maître mot est adaptabilité. Comme pour les espèces animales et l’approche de Darwin, les entreprises qui restent sont celles qui s’adaptent à leur environnement, les autres finissent par mourir (liquidation), ou se faire absorber. Mieux encore, les entreprises qui créent l’environnement futur de leur marché sont celles qui vont le dominer (prime au 1er entrant, prime à l’innovation).
A moins d’avoir les fonds d’une multinationale pour la recherche et Développement, à moins d’avoir un génie à sa tête, le moins qu’une entreprise puisse faire est de s’adapter le mieux et le plus vite possible à tous les changements technologiques de son marché. A défaut, elle sera dans un tel écart que son carnet de commandes va chuter, entraînant sa rentabilité sous zéro, et son « siret à la barre ». Et pour s’adapter aux changements technos, il y a 2 voies principales : recruter ceux qui maîtrisent, ou former ses équipes existantes.
(In)adaptation fonctionnelle
Dans une entreprise, les changements de personnel sont nombreux : restructuration, création de services, réorganisation, intégrations de nouveaux entrants, départs choisis ou subis. A chaque fois, cela redistribue une partie des cartes fonctionnelles. Cela est d’autant plus aisé à gérer que vos équipes sont polyvalentes. Et à moins de n’avoir que des moutons à 5 pattes, la formation est votre meilleur allié.
Quand il n’y a pas de changements de personnel, élargir les compétences d’un collaborateur permet d’anticiper les futurs changements, d’enrichir son employabilité, d’améliorer sa productivité intrinsèque.
Les entreprises dont les effectifs sont performants et à large prisme de compétences sont forcément plus productives, ce qui permet, au choix, d’améliorer les marges ou de créer un différentiel prix sur son marché, ramenant de l’activité additionnelle.
(In)adaptation organisationnelle
Dans notre monde où tout se numérise, l’enjeu majeur actuel est d’avoir les outils informatiques, le matériel et le système d’information adéquats. Sans occulter la formation des utilisateurs finaux ! Un bon ERP, bien utilisé, sur du matériel performant, avec de la mobilité et de l’accessibilité peut diviser par 3 les besoins en personnel administratif. Ce qui peut créer la différence avec vos concurrents, soit parce que vous avez moins de charges et pouvez vous permettre d’être plus compétitifs, soit parce que le personnel a été réaffecté à la qualité de service, à la relation client, etc ..
(In)adaptation législative
Dans ce cas, la sanction tombe assez vite : si votre entreprise n’arrive pas à se faire aux nouvelles règles du jeu (lois, décrets, normes, …) elle se retrouve hors jeu en peu de temps. Un service de veille, un bon cabinet d’avocat et un service formation réactif limitent ces risques.
(In) adaptation qualitative
La qualité de votre produit ou service était la meilleure … en 2004 ! Depuis, vos concurrents ont innové, formé, optimisé, et vous êtes devenu plus chers et surtout moins bons. Bye Bye …
Comment devenir une entreprise adaptée et adaptable ?
Réponse : En ayant des équipes qui ont une capacité au changement (une capacité à apprendre ?) et en facilitant l’acquisition des compétences nouvelles (politique dynamique et réactive de formation).
Mieux en devançant les besoins de demain (approche stratégique de la formation). Le terme de GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) prend ici tout son sens, puisque c’est cette approche d’anticipation qui donnera le coup d’avance pour faire la différence demain.
Combien cela coûte ?
En valeur absolue, ou en valeur relative ?? Une bonne formation est un investissement rentable, jamais un coût.
Pour avoir une vraie politique de formation, il faut que quelqu’un s’en occupe réellement. Selon la taille de l’entreprise, ce sera dans les attributions du chef d’entreprise, du RRH ou d’un responsable formation dédié, voire d’un service !
Outre le coût du personnel qui gère l’aspect formation, une enveloppe représentant 3 à 4% de la masse salariale semble l’investissement consenti par les entreprises qui durent. En partant d’un salaire median brut de 30000 € annuels, l’investissement formation est d’environ 1000€ par an et par personne. De quoi investir dans 1 à 5 journées de formation selon le sujet, et le mode d’organisation (inter, intras, cours particulier, e-learning …).
Si grâce à cette somme, votre salarié devient pluri-compétent, fournit un travail de qualité et rapide, que vous pouvez lui confier de nouvelles missions, et enfin le fidéliser (car les salariés aiment apprendre de nouvelles compétences, si si !) alors on peut bien parler d’investissement rentable, et non plus de coût.
Abraham Lincoln disait, pour défendre le budget dédié à l’éducation des jeunes américains : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » Je compléterai par :
Si vous trouvez que la formation coûte cher, essayez l’incompétence !
1 réponse
[…] Sapin qui confiera plus tard qu’il ne comprenait pas grand chose à la formation pro, ne satisfait visiblement personne : salariés, employeurs, OPCA, Organismes de formation, et même les demandeurs d’emploi pour […]